600 ans, 600 portraits les 4, 5, 7 et 8 mai
Pendant les fêtes johanniques,des projections publiques sur écran monumental ont présenté cette galerie de portraits au cœur d’Orléans, place de l’Etape, sur l’Hôtel de Ville.
Cette exposition virtuelle a donné lieu à l’édition d’un catalogue reprenant les 600 portraits pour laisser trace de cet événement exceptionnel. Ce catalogue permet aux artistes de proposer directement leurs œuvres aux amateurs d’art.
Un soir, je l'ai aperçue, et je l’ai reconnue. Jeanne, elle vient d’ailleurs : Fille de couleur (et de Vaucouleurs), elle est métisse, beurette, amérindienne ou asiatique, et orpheline peut-être, de ses parents, de son sang, de ses racines, et de Dieu, dont on a perdu la trace depuis longtemps, dans des quartiers désespérés où l'homme doute de tout et de lui-même.
Ce n'est pourtant pas un territoire qu'elle se doit de libérer. Non, pas l'Europe, la France, pas même Orléans, ni la cité Camille Flammarion. Son ennemi n'est pas le soldat Anglais, ou Irakien, encore moins sa voisine immigrée du Burkina.
Le territoire à libérer est intérieur, spirituel, et Jeanne, comme un enfant qui se souvient du nom de son père retrouve sa voie et sa voix. Alors, libre de toutes peurs Elle combattra nue, et à pied, sans épée et sans casque, et ceux qui la croiseront quitteront leurs armures et les masques de leurs égos-tigres-de-papier, ou bien, craqueront l'allumette.


Une autre image d'enfant studieux me revint. Le trouble mélange de fascination et de malaise, de plaisir et de culpabilité, en matant dans les images d’Épinal, son visage d'ange juvénile et sensuel, et cette armure où le corps meurtri s'initie à la souffrance ; à l’âge des premiers émois, des premiers plaisirs.
Curieux oxymore : Jeanne se prépare à la mort à l'âge des premiers appels de la vie. Plaisir, souffrance, vie et mort, désir et sacrifice... « Le duc d’Alençon l’a vue une nuit s’habiller quand, avec beaucoup d’autres, ils couchaient sur la paille : elle était belle, dit-il, mais nul n’eût osé la désirer. « Il se souvient aussi de la première blessure de Jeanne. Elle avait dit : ' Demain mon sang coulera, au-dessus du sein' ».
Plus j'interroge le visage de Jeanne, je perçois le OUI inconditionnel à la joie et au désir de vivre, inséparable du OUI inconditionnel à la souffrance. « Que ta douleur saigne, joyeusement », me rappelle Khalil Gibran.
Que n’a-t-on dit aussi à propos de la pureté, de la virginité de Jeanne ?
A une époque ou la condition de femme était synonyme d’asservissement à l’homme, aux enfants et tâches domestiques, il me semble que le choix de Jeanne ne pouvait être autre, et pour des raisons pratiques, voire politiques, au moins aussi prégnantes que le chemin d’abandon mystique à la grâce divine qu’elle a accepté entièrement :
Comment exister d’égal à égal dans un monde d’hommes – la guerre et la politique– autrement qu’en renonçant à la relation à sens unique de pouvoir qu’était le commerce entre les sexes ?
Par ailleurs, cette jeune femme prête pour donner la vie pressentait-elle que son destin la conduisait à la mort ?
Comment se prouver l’égale des compagnons d’arme, si ce n’est en revêtant ces habits d’homme ? Mariage habile du sens pratique et du symbole. Libération hors du territoire de la condition féminine ; La Jeanne contemporaine serait maintenant une chef d’entreprise ou une militante engagée dans une ONG. Jeanne était il me semble la première des féministes.
La pureté de la « Pucelle » n'etait pas mépris de la chair, mais le prix le plus cher de son oui inconditionnel à la vie