Un soir, il prend ses pinceaux.
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Réalisation de Pascal C à l'atelier Sésame |
C’est forcément un soir. Quand l’air
moins chaud fait dégouliner un peu de rose et d’or sur le mur crasseux de la fabrique,
ou de l’école, c’est la même chose, l’école, c’est la fabrique de cerveaux dociles et formatés,
avec un peu de rose autour.
Et là, le geste décolle, sans réflexion,
sans intention, sans guillemets et sans sous-titre, le pinceau vole, vole en
éclats et en couleurs, vole les
secondes, vole les peurs, et les couleurs éclaboussent, débordent, et dansent.
Pourtant, il n’a pas appris à l’école,
la petite, ni la grande, celle des musées des gens d’importance et des grands
hommes, des critiques et des artistes, l’école des références.
Il s’en fout.
Il peint, il y a urgence.
C’est le pinceau qui pense. On ne sait
pas trop à quoi d’ailleurs. A une porte de l’enfance mal refermée, le sein
généreux de sa mère comme un soleil, la blouse grise du maitre avec sa gitane
maïs roulée, calée en équilibre entre l’oreille droite et la monture fatiguée d’une
grosse paire de lunettes, le secret des filles entr’aperçu derrière la porte du
vestiaire intempestivement ouverte, et trop vite refermée.
Alors on dit que c’est l’art brut.
Alors pourquoi ?
Pas pour faire beau, pour faire joli,
encore moins pour plaire, épater la galerie.
Alors là, moi je sens bien que j’aurais
voulu plus de perspective, plus de clair-obscur ; de contraste, de
sfumato, de glacis, pour caresser le nombre d’or dans le sens du poil de
martre, avec quelques effets par-ci par-là, des trucs d’illusionniste.
Ben non.
C’est brut. Et ça résiste au temps, au
concept, au catalogue, aux modes et aux mots.
on disait que c’est l’art brut.